- Le chassé-croisé de deux solitaires habite « Les Feuilles mortes », conte à la fois désespéré et optimiste.
- Aki Kaurismäki y développe la rencontre d’une caissière et d’un ouvrier sur fond de guerre en Ukraine.
- Cette fable chaleureuse fait un bien fou au spectateur en mêlant comédie romantique et réflexion sociale.
Il n’a pas volé son Prix du jury du dernier Festival de Cannes. Aki Kaurismäki fait du bien à l’âme avec Les Feuilles mortes, histoire d’amour contrariée entre deux êtres esseulés. Alma Pöysti et Jussi Vatanen sont très touchants dans ce chassé-croisé entre une caissière de supermarché et un ouvrier porté sur la boisson. Après Au loin s’en vont les nuages en 1996, L’Homme sans passé en 2002, et Les Lumières du faubourg en 2006, « ce devait être une trilogie, mais ce film en est la quatrième partie. Je ne sais même pas compter jusqu’à quatre », s’amuse le réalisateur. Et encore, il oublie sa dualogie sur les migrations, Le Havre (2011) et L’Autre Côté de l’espoir (2017), qui aurait également pu figurer dans cette « trilogie ».
Le tout est dopé à la tendresse et rythmée par les informations qu’un poste de radio diffuse sur la situation en Ukraine. « Je ne pouvais pas tourner ce film sans parler de cette guerre, insiste Aki Kaurismäki. Il me fallait ancrer cette histoire d’amour dans le monde d’aujourd’hui. » La tragédie plane sur les amoureux qui se trouvent puis se perdent dans une ville hostile où ils tentent de survivre. On se croirait presque dans une comédie romantique classique. Si ce n’est que le réalisateur retrouve la poésie qui constitue le charme de son cinéma.
Son meilleur film depuis le dernier
« Je tire au passage mon trop petit chapeau à Bresson, Ozu et Chaplin, mes divinités domestiques », insiste le réalisateur qui rend hommage au 7e art, capable de faire momentanément oublier conflits et misère. Conte doux-amer comme un après-midi d’automne, Les Feuilles mortes emprunte son titre à Jacques Prévert pour distiller un humanisme revigorant dissimulé sous un humour en forme de politesse du désespoir. « Ecrire le scénario m’a pris trente heures sur cinq jours, assène le réalisateur. Je l’ai mûri lentement dans mon subconscient avec cette idée de mélancolie et de guerre. »
La grande délicatesse d’Aki Kaurismäki est toujours aussi perceptible, emportant le spectateur vers des personnages que la vie n’a pas gâtés et vers un chien incarné par le propre animal de compagnie du réalisateur. « J’ai fait de mon mieux comme à chaque fois en espérant que le public suivra. C’est le meilleur film que j’ai fait depuis le dernier », plaisante-t-il. En suivant son raisonnement, on attend avec impatience le prochain, le sixième opus de sa trilogie, un drame qui devrait être prêt dans deux ans « si je suis encore de ce monde. » On croise les doigts pour lui et pour nous autres spectateurs.
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