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  • A seulement 24 ans et après Les Drapeaux de papier, un premier long métrage remarqué avec Noémie Merlant et Guillaume Gouix, le réalisateur Nathan Ambrosioni est de retour sur les écrans ce mercredi avec Toni en famille.
  • Il y met en scène Camille Cottin en mère de cinq ados qui décide de se recentrer sur elle-même après avoir mené toute une vie, ou presque, à répondre aux désirs des autres.
  • « J’ai eu envie de raconter Toni qui s’autorise à explorer ses désirs qui n’ont rien à voir avec les autres en fait. C’est elle, pour elle, et c’est tout », explique-t-il à 20 Minutes.

Quand 20 Minutes l’avait rencontré pour la première fois, il n’avait que 15 ans. En voisin, ce natif de Grasse était venu au Festival de Cannes, côté coulisses, présenter Hostile, un film d’horreur à tout petit budget. Huit ans plus tard, à désormais 24 ans et après Les Drapeaux de papier, un premier long métrage remarqué avec Noémie Merlant et Guillaume Gouix, le réalisateur Nathan Ambrosioni est de retour sur les écrans ce mercredi. Il met en scène Camille Cottin dans Toni en famille. Rencontre.

Toni, mère de cinq ados, se recentre sur elle-même après avoir mené toute une vie, ou presque, à répondre aux désirs des autres. Quel message vouliez-vous faire passer ?

Le sujet, c’est la remise en question. Et j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ceux qui osent repartir, parfois de zéro, pour ceux qui chamboulent leur quotidien, leur stabilité, leur routine, qu’elle soit agréable ou non. Je trouve ça extrêmement courageux. J’étais vraiment attiré par ce sujet, et par l’envie d’en faire une comédie dramatique. J’ai vu des sourcils se lever quand j’ai dit que je voulais explorer ce genre-là. Mais l’idée de devoir trouver l’équilibre entre le rire et l’émotion me plaisait beaucoup.

Camille Cottin et ceux qui travaillent à vos côtés soulignent votre maturité. Votre jeune âge est-il encore un sujet dans le métier ?

On m’en parle, mais ce n’est pas écrasant. Avec les producteurs, les financeurs que je rencontre, c’est parfois une surprise quand on arrive en rendez-vous et qu’ils ont lu les scénarios sans me connaître. Ça les surprend cinq minutes, la conversation avance et on parle du projet. C’est parfois plus troublant dans mon cercle privé. J’ai des amis d’enfance qui me demandent si mon film sort vraiment au cinéma, qui ont du mal à se dire, parce que j’ai 24 ans, que je ne fais plus les choses en amateur. C’est comme si, à leurs yeux, ma crédibilité n’était pas possible. Dans l’industrie, ce n’est pas un problème. Au contraire, je me dis que c’est peut-être quelque chose qui me permet de me différencier, au moins encore quelques années [rires]. C’est aussi une des premières questions qu’on me pose encore en interview. Je le comprends. C’est le côté atypique de mon profil. Je peux m’en plaindre mais ça ne va pas durer très longtemps. Je vais vieillir et on passera à autre chose. Ce n’est pas une fatalité. Alors qu’il y en a d’autres pour qui leur genre, leurs origines ou leur ethnicité sont des sujets. Je me rends compte que toutes les différences, et je m’inclus là-dedans étant une personne queer, sont des sujets. Et être interrogé sur le fait d’être une femme et d’être réalisatrice doit être beaucoup plus pesant que d’être questionné sur son âge. On va leur demander : « Qu’est-ce que ça vous fait d’être une femme qui fait des films ? ». C’est vraiment un sujet ? C’est en tout cas une réalité dans notre monde toujours misogynie et patriarcal.

Toni en famille est justement un portrait de femme. C’est aussi un film féministe ?

C’est effectivement un film féministe. C’est en tout cas ma volonté. Et c’est quelque chose que je n’ai pas du tout peur de revendiquer. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ce mot est devenu effrayant pour certains. C’est fou comme on avance avant de parfois reculer. Le féminisme, au même titre que l’écologie, est un combat indiscutable. Celui de l’égalité. J’avais envie de représenter ce personnage féminin, indépendant de tout regard masculin et de tout désir masculin. Il y en a très très peu en fait. L’approbation d’un personnage masculin est encore omniprésente et c’est même rare de voir des femmes à l’écran s’épanouir autrement que sexuellement. J’ai l’impression que c’est une injonction. Au contraire, j’ai eu envie de raconter Toni qui s’autorise à explorer ses désirs, qui ne sont pas sexués, qui n’ont rien à voir avec les autres en fait. C’est elle, pour elle, et c’est tout.

Le choix de Camille Cottin pour l’incarner s’est rapidement imposé ?

Camille, je l’admire depuis longtemps. Depuis Connasse [le programme court diffusé sur Canal+] en fait. J’ai vu tous ses films. J’ai regardé plein d’interviews qu’elle a données. Il y a quelque chose de tellement particulier en elle. C’est une grande actrice. Elle est spéciale. Je le trouve vraiment identifiable. Et, oui, c’était assez évident de lui proposer le rôle quand Toni en famille s’est dessiné et que l’envie du film s’est dessinée. J’ai commencé à réfléchir au visage qui allait l’incarner et celui le sien s’est imposé très rapidement. Elle a quelque chose de très inspirant. L’écouter en interview, la regarder dans ses choix de films, la voir évoluer à l’écran, comme dans [la série] Dix pour cent, l’admirer dans son ascension avec le cinéma américain. Je trouve son parcours passionnant.

Comme pour Les Drapeaux de papier, votre premier film, vous signez le scénario la réalisation, mais aussi le montage de Toni en famille. Est-ce une façon de pouvoir tout maîtriser ?

C’est plus une question de stress et de panique [rires]. J’ai peur du regard que quelqu’un d’autre pourrait avoir sur les rushs. Mais c’est aussi et peut-être surtout que le montage me plaît énormément. Ça permet un rapport au film très particulier. Je coupe, je recoupe. Je m’amuse. Et je trouve ça fascinant. Je me sens tellement privilégier avec l’image, avec les images. J’adore la façon dont on peut les manipuler. Chercher la bonne prise. Chercher le bon ton. Les silences. A quel point on peut les exploiter.

Vous écrivez les films que vous réalisez. Pourriez-vous aussi mettre en scène les histoires d’autres auteurs ?

Je ne sais pas trop. Je me pose la question. On m’a déjà proposé quelques super projets. Mais je pense que ce n’était pas forcément le moment. Peut-être qu’un jour je n’aurais plus d’inspiration et que j’aurais besoin des histoires des autres.

Votre troisième projet est-il déjà sur les rails ?

J’ai deux histoires en cours mais je ne sais pas encore exactement vers laquelle je vais me pencher. Ce sont deux sujets qui m’intéressent beaucoup. Ce qui est sûr, c’est que j’ai très envie de retravailler avec mes producteurs, avec Camille, avec les jeunes acteurs de Toni en famille, et même avec toute l’équipe technique. J’ai un peu l’impression de m’être trouvé une famille de cinéma. Et c’est très rassurant.

Vous vous êtes plongés dans le Septième art à l’âge de 12 ans, en découvrant le film Esther. Et c’est d’ailleurs avec des films d’horreur que vous avez réalisé vos tout premiers tournages. Vous pourriez vous tourner à nouveau vers ce cinéma de genre ?

En France, c’est compliqué. La production est compliquée. Il n’y a pas de public. En tout cas en France, je crois que ce n’est pas dans ce genre qu’on pourra me trouver.

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