- Des historiens français et britanniques ont reproché au « Napoléon » de Ridley Scott de ne pas être historiquement très rigoureux.
- Emilie Robbe et Grégory Spourdos, du musée de l’Armée, réagissent à ces accusations.
- Une belle visite au musée peut au moins compenser les légères inexactitudes du récit.
« Qu’il s’achète une vie ! » Il n’était pas content Ridley Scott quand l’historien anglais Dan Snow lui a reproché les erreurs factuelles de son Napoléon. On peut imaginer qu’il ne serait guère plus aimable avec Patrice Gueniffey, historien français qui, dans Le Point, accuse le film d’être « woke » et « antifrançais ». Pour tirer les choses au clair, 20 Minutes a sondé deux autres spécialistes du musée de l’Armée aux Invalides qui proposent, pour la sortie du film, un parcours sur l’empereur des plus passionnants.
« Ridley Scott n’a jamais eu la prétention de réaliser un documentaire, estime Emilie Robbe, conservatrice en chef du patrimoine. Il a parfois compilé certains événements pour que l’intrigue soit plus fluide. Son Napoléon, incarné par Joaquin Phoenix, est du cinéma, pas un cours d’histoire. » L’homme qu’il montre est en effet très différent du militaire très sûr de lui auquel ses écrits et les fictions nous ont habitués.
Un Napoléon plus humain
« Le film révèle un aspect plus fragile de Napoléon qui me semble correspondre à la vérité, estime de son côté le chargé d’études documentaires Grégory Spourdos. Son caractère anxieux au moment des batailles est souligné par Ridley Scott, alors que l’empereur ne s’en vantait pas dans ces écrits. » Pour autant, l’historien s’étrangle quand il entend dire que le film a été considéré comme hostile à la France. « Je ne vois vraiment pas pourquoi. J’ai même été étonné qu’un cinéaste britannique mette à ce point Napoléon en valeur. Le duc de Wellington est, par exemple, dépeint de façon bien plus antipathique que lui. »
Quant à l’aspect « woke » personnalisé par Joséphine, il laisse aussi perplexe. « Joséphine a certainement exercé une influence sur Napoléon, déclare Emilie Robbe, mais personne n’était dans leur chambre à coucher pour épier leur intimité ou écouter ce qu’ils se disaient, donc cela laisse une place pour l’imagination. » Cette femme charismatique, incarnée dans le film par Vanessa Kirby, apporte des bouffées d’air frais entre deux séquences belliqueuses.
L’esprit plus que la lettre
Certains détails inexacts ont quand même fait bondir Grégory Spourdos sur son siège. « Les batailles ne se sont pas déroulées comme ce qu’on voit dans le film, notamment les noyades de milliers de soldats à Austerlitz, commente-t-il. Rien ne prouve non plus que Bonaparte a assisté à l’exécution de Marie-Antoinette, mais on comprend que le réalisateur ait pris cette liberté pour le replacer dans le contexte de la Terreur. » Si Ridley Scott ne respecte pas l’histoire dans les détails, il s’appuie quand même sur la réalité, quitte à la tordre, afin de servir un récit dont il respecte le personnage et la légende napoléonienne.
« Je recommande le film pour une première approche de la vie de Napoléon, insiste Grégory Spourdos. Le musée de l’Armée est là pour approfondir les connaissances des spectateurs curieux, car l’exactitude historique est notre métier. » On confirme que la visite, ludique et instructive, vaut le coup d’œil et on en profite aussi pour signaler aux cinéphiles l’excellente biographie du réalisateur, Ridley Scott, Le Dernier Empereur d’Hollywood, signée par Gilles Penso (éd. Ecran fantastique). De quoi être incollable en histoire comme en cinéma.
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