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  • Diffusé ce vendredi à 21h10 sur France 3, le volume 2 des « Années Mireille Dumas » est consacré aux artistes et leur famille.
  • Qu’il s’agisse de « Bas les masques », « Vie privé vie publique », ou de ses documentaires, la journaliste, réalisatrice et productrice s’est illustrée par sa capacité à recueillir la parole de ses invités. Sa chaîne YouTube INA, qui rassemble ses 40 ans de télé et donc de témoignages, compte déjà 10 millions de vues.
  • Tout comme elle, Faustine Bollaert, Olivier Delacroix ou Frédéric Lopez se sont imposés au fil des ans comme des confidents du petit écran. Comment devient-on celui auprès duquel on s’épanche ?

Ils ont le goût des autres et leur parcours professionnel en témoigne. Mireille Dumas ( « Bas les masques », « La vie à l’endroit », « Vie privée vie publique ») Frédéric Lopez ( « Rendez-vous en terre inconnue », « Mille et une vies », « Un dimanche à la campagne »…), Faustine Bollaert ( « Ça commence aujourd’hui ») ou Olivier Delacroix (« Dans les yeux d’Olivier »)  : tous ont recueilli la parole d’anonymes ou de célébrités avec une qualité d’écoute qui a fait la différence.

« Vous ne pouvez pas décider de devenir un intervieweur-confident et décréter que ça va marcher. Dans ce métier, il y a beaucoup de choses qui peuvent s’apprendre, or ça, ça ne s’apprend pas, résume Olivier Delacroix, qui est parti à la rencontre de communautés (culturistes, tatoués, fans de tuning etc) dans « Nouveaux regards » sur France 4 avant d’avoir son propre magazine sur France 2. C’est un peu une vocation, en fait ».

Appréhender l’autre au-delà des mots

Parfois, pour en comprendre l’origine, il faut remonter à l’enfance. « J’ai grandi dans un petit village, dans un univers clos, se souvient Mireille Dumas. J’ai perdu mon père jeune, ma mère était mon institutrice et je vivais dans l’école de village. Dès lors, j’ai eu cette envie d’aller voir les autres, dans toute leur différence, leur diversité, aller vers les autres pour voir comment on se fait sa place dans la société, comment on traverse des drames, comment on rebondit ou pas ». Un autre épisode de ses jeunes années est également fondateur. « Quand j’étais étudiante, j’ai participé à des expériences théâtrales avec Peter Brook. Avec des comédiens de ce metteur en scène, on est allé travailler dans des hôpitaux psychiatriques. Avant même d’être journaliste, ça m’a amené à essayer d’appréhender l’autre au-delà des mots. Cela m’a servi dans cette ouverture à l’autre ». Par la suite, Mireille Dumas devient journaliste de presse écrite, puis réalisatrice de documentaire. « Je partais d’une histoire singulière et j’allais chercher ce qu’il y avait d’universel. Je le faisais pour des thèmes de société comme la transidentité, ou la criminalité dans les prisons », souligne celle dont le documentaire « Travestir » sera rediffusé dans « Rembob’ina » sur LCP le 8 octobre.

Alors qu’elle lance « Bas les masques » au début des années 1990, une autre émission testimoniale débarque en prime time sur France 2 en 1994 : « Ça se discute ». Parmi les téléspectatrices assidues de ce nouveau rendez-vous : Faustine Bollaert. « C’est vraiment en regardant ce programme que je me suis pris de passion pour les nuances des émotions humaines, des relations familiales, se souvient-elle. J’ai rencontré Jean-Luc Delarue au moment de mon mémoire de fin d’études de journalisme. Je lui avais dit :  » un jour, je présenterai une émission testimoniale sur le service public « . Je n’avais pas 20 ans, il avait dû rigoler ! Mais il avait été très gentil et très bienveillant. Il aimait bien transmettre aux jeunes ». Sans jamais perdre de vue son objectif, l’animatrice finit par décrocher la présentation de « Ça commence aujourd’hui » en 2017. « Même quand la vie m’a emmenée vers des émissions de divertissement, je savais que c’était mon graal, que c’était là que j’allais m’épanouir. C’est quelque chose qui était dans mon ADN que d’être connectée aux autres. Ça me coule dans les veines. L’essence de l’interview, du goût des autres, je pense qu’on l’a ou on ne l’a pas ».

« Les silences en disent aussi long que les paroles »

Dans leurs émissions respectives, chacun a l’art et la manière de recueillir la parole.  « Il y a dans notre métier le réflexe de penser qu’il faut tout le temps intervenir, note Olivier Delacroix. Or quand quelqu’un à quelque chose qui n’est pas évident à vous raconter, ce qui est primordial, c’est de l’écouter. Et surtout de le laisser exprimer ce qu’il a à dire, laisser passer ses émotions, que celles-ci s’installent ». Mireille Dumas renchérit : « Quand je suis avec quelqu’un, le temps s’arrête. Je suis très attentive à la gestuelle, au silence, car les silences en disent aussi long que les paroles. Dans ma tête, il y a un fil conducteur mais je me laisse porter par des paroles qui vont me surprendre, et je vais m’engouffrer là-dedans. Contrairement à ceux qui sont passionnés par le direct, je ne crois pas que les premières paroles sont forcément les plus sincères. C’est pour ça que je tourne longtemps. Parce ce qu’avec ceux qui sont rompus à cet exercice, comme les politiques ou des artistes, il faut du temps pour qu’il y ait autres choses que des réponses toutes faites qui sortent ».

Evidemment, la question de la confiance est primordiale mais, de par leur expérience dans le métier, tous bénéficient d’un certain capital en la matière. « Quand les premiers docs ou émissions ont été diffusés, on a vu que je n’étais pas dans la recherche du sensationnel, même si certains thèmes étaient avant-gardistes ou ont brisé des tabous. J’étais plus dans cette libération de paroles, sans chercher les petites phrases qui font le buzz aujourd’hui. Cela crée une confiance avec le public en général, et avec les personnalités car il n’y a pas de trahisons. Cette confiance est là car je n’ai pas déformé de propos ». Même son de cloche pour Faustine Bollaert. « Comme ça fait sept ans que je présente « Ça commence aujourd’hui », les gens savent que ce n’est jamais impudique ou voyeur. Ils savent que ce sera dans la bienveillance, estime-t-elle. Puis je prends le temps de leur parler avant qu’on soit à l’antenne. Je vais leur expliquer en quoi le sujet me touche. Je leur explique dans quel état d’esprit je suis pour qu’on soit dans un moment de vérité dans les deux sens ».

Le poids des mots

Une fois à l’antenne, ces confidences peuvent être parfois déstabilisantes. Comment gère-t-on, psychologiquement parlant, le poids des mots recueillis ? Frédéric Lopez s’était confié à ce sujet à l’époque des « Mille et une vie » sur France 2. Il avait révélé à TV Grandes chaînes aller voir un psy une fois par semaine pour se protéger lui-même de ces confidences. Il avait ajouté aussi faire « du sport, profiter du silence ou voir ses amis pour se ressourcer ». Faustine Bollaert consulte elle aussi. « Il y a quinze jours, on a concentré le tournage d’une série d’émissions très lourdes et j’ai eu un genou à terre, j’ai senti que cela n’allait pas, que c’était trop dur… Dans ce cas-là, je vais voir mon psy et je vide tout ». Olivier Delacroix, qui anime également la libre antenne d’Europe 1, s’est laissé surprendre par le poids des témoignages recueillis. « Penser qu’on ne rapporte rien chez soi, c’est faux. Il est nécessaire de parler de tout ça à d’autres personnes. Je n’en étais pas vraiment conscient avant. Je ne faisais pas attention à moi. Je ressentais une fatigue psychologique dès début juin que je pensais lié à une masse de travail conséquente mais ce n’était pas que ça. Quand j’ai commencé à me poser les bonnes questions, j’ai compris que j’étais rempli de plein de choses dont j’avais besoin de me délester ».

Et quand on est confident à la télé, l’est-on également dans la vie de tous les jours ? « Oui parce que les autres m’intéressent, qu’il y ait une caméra ou pas. J’ai l’impression d’être la même dans la vie, avec mes amis, que dans mes émissions. Ça fait partie de qui je suis, j’aime écouter », insiste Faustine Bollaert. Olivier Delacroix ajoute :  « Etre confident, c’est un chemin de vie. Je considère que jusqu’à notre dernier souffle, on apprend de l’autre »

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