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  • La grève qui paralyse le cinéma américain se poursuit sans espoir de résolution rapide, inquiétant grandement les professionnels du cinéma confrontés à un blocage impressionnant.
  • Jeudi matin, l’Académie des Oscars a annoncé un report de la cérémonie des Oscars d’honneur du 18 novembre au 9 janvier, anticipant, selon des médias américains, le prolongement du conflit.
  • Cette grève aura bien évidemment un impact pour la diffusion des films américains en France si elle ne prend pas fin rapidement. Certaines sorties sont d’ores et déjà repoussées sine die.

Le cinéma américain n’est pas sorti des ronces. Tels sont les ressentis des différentes personnalités que 20 Minutes a pu croiser au Festival de Deauville. Cette édition, privée de stars hollywoodiennes en raison de la grève des actrices et des acteurs, s’est placée sous le signe de l’inquiétude. Cela était particulièrement sensible au cours d’une table ronde sur ce que sont les enjeux d’un conflit qui dure depuis le 14 juillet pour les actrices et acteurs, depuis mai pour les scénaristes. Et plus encore depuis que l’Académie des Oscars a décidé de reporter la cérémonie des Oscars d’honneur du 18 novembre au 9 janvier, anticipant, selon des médias américains, le prolongement de la grève.

« Les revendications se développent en trois temps, explique Sophie Barthes, réalisatrice de The Pod Generation présenté en compétition. A court terme, les grévistes souhaitent une revalorisation salariale. A moyen terme, ils demandent une plus grande transparence de la part des plateformes qui ne communiquent pas leurs chiffres et qui ne les rétribuent pas, puis, à plus long terme, des garanties concernant le recours à l’intelligence artificielle pour remplacer les êtres humains. » Pour l’instant, leurs demandes sont restées lettre morte de la part des grands studios qui laissent pourrir la situation. « C’est surtout Netflix qui bloque », déclare la réalisatrice.

La promotion en question

« On a pensé que ce serait vite réglé, déclare la scénariste Rebecca Miller, mais rien n’avance depuis des semaines. Certaines productions indépendantes, comme mon film She Came To Me projeté à Deauville, ont obtenu des dérogations pour faire de la promotion. C’est une façon de montrer aux grands studios que l’humain est indispensable pour faire connaître les films et aider à leur succès. » Tout cela est très réglementé. L’actrice Emilia Clarke, venue défendre The Pod Generation, n’avait le droit de s’exprimer qu’au sujet de ce film. Pas question pour elle d’évoquer Game of Thrones ou d’autres projets. Camille Cottin pouvait parler librement de Toni en famille sorti ce mercredi mais ne pouvait pas parler de la production Disney à laquelle elle a participé, Mystère à Venise de Kenneth Branagh.

Une situation dramatique

Les choses deviennent de plus en plus compliquées dans la profession cinématographique. « Il faut comprendre que la grève a aussi un impact économique sur les techniciens car tout est à l’arrêt », explique Alexandre Aja. Le réalisateur français ne peut pas terminer le dernier film qu’il a tourné aux Etats-Unis tout comme Rebecca Miller ne peut envisager de lancer la production d’un nouveau projet. « Cela devient dramatique, précise Alexandre Aja. Je connais de plus en plus de professionnels qui, n’ayant plus de travail, risquent de se retrouver à la rue parce qu’ils n’ont plus aucun revenu. » Certaines stars comme Dwayne Johnson, George Clooney et Meryl Streep ont versé de fortes sommes pour soutenir les caisses de grève, mais les grévistes les plus modestes commencent à tirer la langue.

Le danger de l’Intelligence artificielle

L’Intelligence artificielle et les dérives qu’elle peut impliquer sont aussi au centre des débats. « On en a usé avec l’intelligence artificielle comme avec la bombe atomique, martèle Sophie Barthes. On l’a développée parce qu’on en avait la possibilité, sans se soucier de ce que cela pouvait provoquer et sans rien réguler. » Les acteurs craignent de voir leur image utilisée sans leur autorisation. Les scénaristes ont peur que leur travail soit repris et remixé par un programme informatique pour donner des œuvres « originales » ce qui irait plus vite et serait moins coûteux que faire appel à des êtres humains. « Cela ne fonctionnera jamais pour les films indépendants, mais cela peut aider à accélérer le processus de production pour certaines sagas », insiste Sophie Barthes. On imagine Indiana Jones 25 avec un Harrison Ford artificiellement fringant…

Et en France ?

« Si on se sentait menacés par l’intelligence artificielle, je pense qu’on se mettrait en grève aussi, déclare le comédien Jonathan Cohen. Pour le reste, le système est différent. Les auteurs sont mieux protégés et ils touchent des droits sur les diffusions de leurs œuvres y compris de la part des plateformes. » Pour autant, la grève américaine n’est pas sans impact sur les sorties françaises. « Les blockbusters sont des locomotives qui attirent les spectateurs dans les salles, déclare la productrice et distributrice Michèle Halberstadt. Leur déprogrammation aura une incidence sur la fréquentation. » Sans compter que les Jeux olympiques vont encore compliquer la donne pour les salles pourtant redevenues optimistes avec les succès de Barbie et d’Oppenheimer.

Il ne reste plus qu’à espérer que la situation se débloque très vite, mais les prédictions des personnes interrogées ne voient pas les choses s’améliorer avant la fin de l’année. Bien des sorties de films annoncées devraient être repoussées, à l’image de Dune 2, décalé du 3 novembre au 15 mars 2024, du fait qu’il n’est pas possible d’assurer la promotion d’un blockbuster sans ses acteurs.

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