Alors que l’arrêt définitif des réacteurs de la centrale nucléaire vient d’être officiellement annoncé pour juin 2020, rencontre avec une habitante et salariée de la centrale, qui témoignait dans Infrarouge, mardi 22 octobre sur France 2.
Depuis quand travaillez-vous à la centrale de Fessenheim ?
Jennifer Gasser : Depuis huit ans. Je tiens la conciergerie : je rends des services aux salariés de l’entreprise : aller à la poste, au pressing, à la pharmacie, etc. Quand on m’a proposé cet emploi, je n’ai même pas hésité : la centrale ne m’a jamais fait peur. Quand j’étais petite, les fenêtres de ma chambre donnaient sur les bâtiments. On vivait dans l’une des premières rues habitées au-delà du site. Mes parents ne m’ont jamais parlé d’un danger quelconque, j’ai grandi en me disant que c’était une usine comme une autre. Et aujourd’hui, ma maison est à deux kilomètres du site.
Vous avez un fils de 10 ans. Que sait-il de la centrale ?
Je ne lui ai jamais expliqué le nucléaire, les enjeux… Il sait que sa maman travaille dans une grosse usine, mais quel intérêt cela aurait de lui dire "Maman part tous les matins travailler dans un endroit potentiellement dangereux" ? Il a vu son papa rentrer plusieurs fois de l’usine où il travaille avec des brûlures d’acide chlorhydrique mais moi, je suis toujours revenue indemne. Pourquoi l’inquiéter ? C’est peut-être le monde des Bisounours… mais si on va par là… Il y a une grosse usine de fabrication de produits chimiques à douze kilomètres de la ville, une explosion là-bas pourrait être dévastatrice aussi !
Savez-vous ce que vous devez faire en cas d’alerte de sécurité ?
Si les sirènes retentissent ? Oui, nous avons un exercice de sécurité tous les cinq ans je dirais. Le dernier n’a pas eu lieu d’ailleurs. On doit s’enfermer chez nous, portes, fenêtres, volets clos et écouter les infos.
Vous savez où se trouvent vos pastilles d’iode ?
Oui, au fond de mon armoire à pharmacie.
C’est désormais officiel, en février puis en juin 2020, les deux réacteurs de la centrale seront arrêtés. Quel est votre avenir à partir de l’été 2020 ?
Mon contrat court jusqu’à fin 2020. Tout dépendra du nombre d’agents EDF à rester sur le site. La plupart seront reclassés, je ne m’inquiète pas pour eux, en revanche les prestataires, comme nous, vont être sur le carreau. Ça sera une casse économique et sociale effroyable. Je devrais penser à ma reconversion mais j’ai du mal à me projeter.
Vous envisageriez de quitter Fessenheim ?
Non, parce qu’il y fait bon vivre, avec ou sans centrale. J’aime voir mon fils partir à vélo à l’école sans craindre pour sa sécurité. Me dire qu’il peut profiter de toutes les installations sportives, aller au collège sans changer de ville…
Tout cela a été financé par les 3 millions de subventions annuelles, en contrepartie de l’installation du nucléaire à Fessenheim. Subventions qui ne vont logiquement pas perdurer…
La vie sera différente et sûrement plus difficile. Mais je ne partirai pas.
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