Une exposition consacrée à Marie-Antoinette démarre aujourd’hui à la Conciergerie de Paris, sa dernière prison. Elle explore les nombreuses représentations qu’on en a fait du XVIIIème siècle à nos jours, transformant cette grande figure historique en monument de la pop culture.
Dans Marie-Antoinette, publié en 1932, Stefan Zweig disait « C’est seulement lorsque le jeu devient grave et que la couronne lui est enlevée que Marie-Antoinette acquiert l'âme d'une reine. » Plus de deux siècles après sa mort, la souveraine la plus célèbre de l’histoire de France continue de fasciner; en témoigne l’exposition Marie-Antoinette, métamorphoses d’une image, qui démarre aujourd’hui à la Conciergerie de Paris – là où elle fut retenue prisonnière juste avant son exécution. On connait la vie de Marie-Antoinette, princesse autrichienne devenue la dernière reine de France et le symbole d’une monarchie obsolète. C’est sur les diverses représentations qu’on en a fait, plus nombreuses et variées que pour n’importe quelle figure royale, que se penche l’exposition. Du célèbre portrait « à la rose » de Vigée Le Brun, peint en 1783, jusqu’à sa réinterprétation par Zahia sous l’objectif de Pierre et Gilles en 2014, en passant par le film de Sofia Coppola en 2006, elle explore la trajectoire de ces représentations, d’abord dans l’imagerie historique, puis dans la culture populaire, et les biais par lesquels un fort symbole de la Révolution française est devenue, au fil des siècles, une véritable icône pop.
L’incarnation d’une rivalité politique
Marie-Antoinette, c’est avant tout la représentation de la rivalité politique qui sévit dans la France du XVIIIème siècle, entre la noblesse royaliste et le peuple républicain. « D’un côté, il y a les images de la représentation royaliste, qui voit en elle un martyre de la révolution, de la Terreur, une victime qu’il s’agit de réhabiliter à la restauration de la monarchie en 1915 » explique Cécile Rives, administratrice de la Conciergerie. « De l’autre côté, la tradition républicaine, l’abolition des privilèges et le fondement d’un nouveau régime. » Dans une première section consacrée à la Conciergerie, l’exposition fait état de la dimension tragique de sa vie à travers des reliques des derniers mois de sa vie, dont le soulier qu’elle aurait perdu sur l’échafaud ou le portrait peint par Kucharski à la prison du Temple, reproduit en série. « Ces copies ont entretenu l’image d’une reine emmaillotée dans sa tragédie, qui garde le regard digne de la tradition royaliste » poursuit Cécile Rives. C’est le destin tragique de Marie-Antoinette qui l’a élevée au rang de mythe, sans quoi elle ferait sans doute partie des oubliés de l’histoire. « Cette trajectoire historique hors normes suscite des passions très vives, qui dans un premier temps ont exprimé une réappropriation politique. » Rapidement naissent des représentations plus variées de Marie-Antoinette, celles de cette figure dramatique qui a voulu rompre avec la tradition monarchique en exigeant un espace privé à Trianon, à la fois protection et objet de violentes critiques. Elle est la première reine de France à s’occuper de ses propres enfants, à manifester le désir de les allaiter. « Beaucoup d’historiens trouvent un parallèle entre Marie-Antoinette et Lady Di, qui a aussi un peu cette image de princesse victime de Buckingham et de ses rigidités, cette volonté de s’émanciper de la culture monarchique. »
Marie-Antoinette en grand habit d’après Élisabeth Louise Vigée Lebrun, 1779-1788, Château de Versailles
© Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin
William Hamilton (1751-1801) Marie Antoinette quittant la Conciergerie, le 16 octobre 1793 1794. Musée de la Révolution française
© Coll. Musée de la Révolution française – Domaine de Vizille
Une icône populaire
Au XXème siècle, l’image de Marie-Antoinette échappe peu à peu à cette dualité politique. Depuis les années 70, de nouveaux vecteurs d’images ont transformé ses représentations en celles d’une icône populaire, dont les valeurs font écho à celles d’une société contemporaine. « Il serait évidemment anachronique de dire que Marie-Antoinette était féministe, mais elle est le symbole d’une certaine expression féminine, d’une jeune femme qui prend plaisir à la fête, à être dans l’exubérance et la consommation. » Et qui cherche à se libérer du poids des conventions sociales. En témoignent le manga japonais La rose de Versailles de Riyoko Ikeda, dès 1972, ou le Lady Oscar de Jacques Demy en 1978. « On a déjà l’image d’une jeune princesse moderne à laquelle les jeunes femmes vont aimer s’identifier, non pas pour la reine en révolution, mais pour la jeune femme qu’elle était. » analyse Cécile Rives. « Bien qu’anachronique, le film de Sofia Coppola a également énormément contribué à moderniser cette image de mère moderne, élégante, raffinée, et de cette femme qui cherche à s’émanciper de l’étiquette rigide de Versailles, et donc répond à des aspirations des sociétés contemporaines qui aiment l’expression de la féminité et de l’individualité. » Incarnée par Zahia ou Kate Moss, réinterprétée par John Galliano ou Christian Louboutin, Marie-Antoinette est à la frontière des passions et des époques, une femme à la fois victime et bourreau, symbole d’une monarchie qui scinde l’échelle sociale à l’extrême, comme de son désir de rupture, finalement devenue un infini argument de consommation. Un mythe encore bien ancré dans notre époque.
Marie-Antoinette, Sofia Coppola, 2006. Décor reconstitué de la chambre de la reine. Anne Seibel décoratrice
© Anne Seibel
Robe – manteau, Passage 43, Printemps Eté 2005 John Galliano, Dior
© Laziz Hamani
Marie-Antoinette : Le hameau de la Reine, Pierre et Gilles, 2014
© Pierre et Gilles
Marie-Antoinette, métamorphoses d’une image, jusqu’au 26 janvier 2020 à la Conciergerie, 2 boulevard du Palais 75001 Paris
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