Les nouvelles Marianne : les maires qui nous soutiennent

Et si on choisissait notre Marianne ? A Marie Claire, en collaboration avec l’agence DDB, nous avons décidé de repenser ce symbole en proposant cinq femmes aux parcours exemplaires, loin des seuls critères de beauté et célébrité qui ont présidé jusque là dans le choix de sa représentation.

Beauté et célébrité : voici les seuls critères qui, de Brigitte Bardot à Inès de la Fressange, ont jusqu’ici guidé le choix des modèles pour les Marianne de la République. A Marie Claire, en collaboration avec l’agence DDB, nous avons décidé de repenser ce symbole, de proposer d’autres modèles qui nous, l’espérons, permettront une nouvelle fois d’interroger les stéréotypes et de favoriser l’égalité femmes-hommes, pierre angulaire de notre engagement.

Nous avons ainsi choisi cinq nouvelles Marianne qui incarnent une femme maîtresse de son accomplissement, une femme à l’exemplarité inspirante. Notre choix s’est porté sur des femmes vivantes. Ginette Kolinka, qui depuis des décennies affronte l’antisémitisme. Sarah Ourahmoune, qui se bat pour la conquête de bastions masculins dans le sport. Marie Tabarly, qui lutte pour défendre l’environnement. Aurélie Dupont et Martine Monteil, qui symbolisent l’accession à de hautes responsabilités.

Plusieurs mairies ont déjà approuvé nos choix, dont Philippe Saurel, maire de Montpellier : « La Marianne d’aujourd’hui, femme du peuple, pourquoi pas tatouée et piercée ? En tout cas pas une star canon de beauté. » Et aussi les maires de Nice (Christian Estrosi), Strasbourg (Roland Ries), Toulouse (Jean-Luc Moudenc), Taverny (Florence Portelli), Vincennes (Charlotte Libert-Albanel), Montauban (Brigitte Barèges), Oradour-sur-Glane (Philippe Lacroix)…

Quelle Marianne avez-vous dans votre mairie ?

Elle m’a été offerte par  un habitant de la commune parce que j’avais aidé sa mère. Elle a une valeur particulière parce que c’est un cadeau qui vient du cœur.

Quelle est la Marianne de Marie-Claire que vous avez choisie ?

J’ai eu du mal à choisir et finalement choisi Ginette Kolinka. Parce que je trouve qu’aujourd’hui on constate un effrayant manque d’empathie, notamment pour les victimes du nazisme, d’intérêt pour l’autre, pour sa souffrance. Et j’ai aussi l’impression que toutes les horreurs commises pendant la Seconde Guerre mondiale sont des événements qui parlent de moins en moins aux  jeunes générations.

Il y a même des gamins déjà négationnistes, qui vous expliquent que tout cela, les chambres à gaz, ça n’a pas vraiment existé, où qui relativisent en disant qu’on peut toujours trouver pire ailleurs etc. Et petit à petit, avec le temps qui passe, l’effroi que l’évocation du nazisme devrait provoquer l’indignation et les émotions que cela devrait susciter, tout ceci disparaît… C’est pourquoi je pense que plus que jamais, le devoir de mémoire n’a été aussi important. Nous sommes dans une société de consommation qui se moque des autres,  et il est très important de rappeler que des gens se sont battus pour recouvrer leur dignité et leur liberté,  leur droit à la vie, tout simplement. Avec la montée de la xénophobie, de l’indifférence, de l’agressivité, de la violence, ce rappel de mémoire et du rapport à d’autres c’est important.

Pourquoi soutenez-vous notre initiative ? 

Je pense aussi que la République doit s’incarner à travers des visages féminins de personnalités qui ont apporté à leur pays. Donc en effet ça ne passe pas par les actrices même si certaines actrices ont très bien représenté la France. La République peut être incarnée par des femmes fortes, qui se sont battues pour elle. J’approuve votre initiative parce que je trouve que jamais il n’y a eu autant de régressions sur le terrain du féminisme. Je précise que je ne suis pas pour un féminisme  anti-homme, un féminisme agressif. Je constate énormément de régression, quand je vois des femmes qui ont honte de leur corps,  que certaines n’osent pas s’habiller comme les autres, qu’il y a des quartiers où les femmes ne se sentent pas en liberté. Régression aussi quand vous avez des fonctions importantes – et je sais de quoi je parle – et que vous êtes insultée, parfois attaquée, en dessous de la ceinture.

J’ai hésité entre Ginette Kolinka, et deux autres de vos Marianne : Martine Monteil et Aurélie Dupont. Parce que j’ai beaucoup d’admiration pour  la première, cette haut fonctionnaire de police qui a su avoir des responsabilités importantes dans un milieu très masculin où être femme n’est pas évident. Et je ressens une certaine complicité avec elle, parce que je sais ce que c’est d’avoir des responsabilités, du pouvoir au quotidien et les difficultés que cela engendre pour une femme,  et elle a une carrière absolument remarquable dans un métier compliqué. Quant à Aurélie Dupont , elle a pris la succession de Brigitte Lefevre (qui mérite aussi une Marianne) à la direction de la danse à l’Opéra de Paris, et elle a bien pris sa suite. Elle reprend un flambeau pas si évident que ça à porter, parce qu’on pense souvent que le milieu de la danse est un milieu très féminisé, mais en fait dans les emplois de direction, il est encore très masculin et il est très difficile pour les femmes, également, de s’y faire une place à la direction.

Quelle Marianne avez-vous dans votre bureau ? L’avez-vous choisie ou trouvée en entrant en fonction ?

J’ai gardé dans mon bureau une Marianne qui avait été offerte à Jacques Chirac. Je la conserve parce que Marianne est la garante de la continuité républicaine. C’est une jeune femme moderne, bonnet phrygien assorti au rouge à lèvres, qui assume sa féminité. Ce qui me plaît, c’est surtout son air espiègle et intelligent, sa manière de soulever le sourcil pour nous montrer qu’elle veille au grain. Une manière de nous rappeler que les hommes politiques passent et que Marianne demeure !

Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie parmi les cinq, et pourquoi ?

 C’est un choix difficile ! J’ai très envie de les choisir toutes les cinq. Leurs parcours très différents prouvent, si c’est nécessaire, que les femmes peuvent atteindre le meilleur niveau dans tous les domaines.  Si je dois absolument faire un choix, ce serait Marie Tabarly. D’abord, c’est une grande navigatrice et il en faut du courage pour affronter le grand large ! Sur les océans, cette jeune femme est le témoin du dérèglement climatique et de ses conséquences terribles pour la biodiversité marine. Plutôt que de se laisser abattre, elle s’est donné la mission d’en témoigner dans des documentaires, pour que toutes et tous puissent prendre conscience de l’urgence qu’il y a à agir. Pour cette raison, elle me fait penser à toutes les jeunes filles que j’ai vues dans les marches pour le climat dans les rues de Paris et qui sont nos Marianne, les veilleuses de notre société.

Pourquoi soutenez-nous notre initiative de proposer 5 nouvelles Marianne ?

Les femmes qui prêtent leur visage à Marianne incarnent l’allégorie de la République et donc ses valeurs, mais deviennent de fait un modèle de la féminité pour toutes et tous. Il est donc essentiel de ne pas réduire Marianne à son physique. Marianne a tous les âges, elle exerce tous les métiers, elle a des enfants ou n’en a pas. C’est avant tout une femme de conviction qui ne se laisse pas dicter sa conduite et va jusqu’au bout de ses combats, une femme qui veille à ce que nos biens communs, les valeurs de notre République, soient respectées.

Quelle Marianne avez-vous dans votre bureau ? L’avez vous choisie ou trouvée en entrant en fonction ? ?

Je l’ai trouvée. C’est une Marianne anonyme et contemporaine avec un bonnet phrygien et un collier métallique.
 
Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie parmi les cinq, et pourquoi ? 

J’ai beaucoup de mal à choisir, j’en ai retenu deux pour des raisons comparables. Sarah Ourahmoune et Marie Tabarly. Elles transmettent une grande sérénité. Cette sérénité est intrinsèque à la République. Pour moi, la République, c’est la semeuse qui figurait sur les timbres. C’est Cérès, la déesse de la fécondité. C’est le sentiment que l’œuvre collective se fait dans la sérénité et la bienveillance. Et toutes les deux à travers par le sport et l’exploit transmettent des valeurs internationalistes. Et je suis très attaché à cela.

Pourquoi soutenez-nous notre initiative ? 

Parce qu’elle est juste. Et votre raisonnement à Marie Claire est le même que le mien : je me suis posé la même question. Pour moi, la Marianne de Montpellier est percée, tatouée, elle correspond à notre ville. D’autres villes ont peut-être d’autres Marianne. Il faut lui donner une actualité qui dépasse l’icône, l’effigie. Il faut que ce soit une femme dans son temps qui véhicule des valeurs de bienveillance, de joie, de partage, de modernité. Notre Marianne siégera bientôt devant la Métropole. Notre République a besoin de renouvellement. Condorcet disait « La République doit se rediscuter chaque vingt ans. »

Quelle Marianne avez-vous dans votre bureau ?

Aucune. J’attendais les propositions de Marie-Claire (sourire)…

Laquelle des 5 Marianne choisissez-vous ?

Marianne doit être à la fois une femme comme les autres et une femme à part, une femme qui ne cherche pas à se distinguer mais que l’on distingue pourtant, une femme qui sait, enfin, ce que le mot dignité veut dire, donc j’ai choisi Ginette Kolinka.

Pourquoi ce choix ? Que représente-t-elle pour vous ?

La résistance. La résilience. La bienveillance… Ginette Kolinka est une rescapée de la barbarie humaine. Toutes les violences répondent au fond aux mêmes mécanismes, au même besoin de posséder et d’anéantir l’Autre, de ne plus reconnaître son statut d’être humain. Ginette Kolinka, c’est aussi cette personne dans l’ombre qui a longtemps fait silence devant tout ce qu’elle avait vu et entendu à Birkenau. En choisissant de raconter son histoire, elle devient cette femme capable d’incarner le pouvoir de libération de la parole. Une Marianne témoin du passé pour ne pas rester sa victime. Sans relâche, Ginette Kolinka accompagne des groupes de jeunes pour dire l’indicible d’Auschwitz et ne jamais oublier. Le devoir de mémoire devient alors la condition de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Qu’est-ce qui vous a motivée à accepter la proposition de Marie-Claire ? Pourquoi l’avoir fait ??Marianne incarne le visage sans fard de la République. La liberté, l’égalité, la fraternité, ce ne sont pas des masques : l’identité de Marianne ne peut donc pas être attachée à des critères physiques. Changer de regard sur Marianne, c’est changer de regard sur toutes les femmes et cela participe, selon moi, à la révolution de l’égalité : votre démarche y concourt d’une façon tout à la fois symbolique et parfaitement concrète. Sur ce sujet de l’égalité, les mots sont essentiels mais toujours insuffisants : il nous faut agir, toutes et tous, chacune, chacun à notre niveau. C’est ce à quoi je m’attache en tant que Maire de la 6ème ville de France, citoyenne et femme. Le combat pour l’égalité réelle à Nantes traverse l’action publique : féminisation des noms de rue, arrêts à la demande des bus la nuit, soutien à l’entreprenariat féminin, négo-training… Et Nantes n’a pas attendu que la lutte contre les violences faites aux femmes occupe enfin le débat public pour travailler, avec les partenaires associatifs et institutionnels, à l’ouverture d’un centre qui propose un suivi global pour les femmes victimes de violences. Dès le 25 novembre, ce lieu sera accessible gratuitement pour répondre aux situations de violences conjugales, bien sûr, et agir avant qu’il ne soit trop tard, mais aussi pour accompagner sur le long terme les victimes de stress post-traumatique, un syndrome touchant massivement les femmes exposées à des violences répétées et/ou des viols. Notre « Citad’elles » sera alors la première structure en France à lier accueil 24h/24 et 7j/7 des victimes, parcours coordonné des femmes et accueil de leurs enfants.

Quelle Marianne avez-vous dans votre bureau ? L’avez vous choisie ou trouvée en entrant en fonction ?

J’ai 2 Mariannes dans mon bureau. La première Marianne, c’est ma fille Bianca. La deuxième Marianne : En 2010, dans le cadre du 150e anniversaire du rattachement de Nice à la France, j’ai organisé un concours pour réaliser le buste de la première Marianne niçoise. Sur 100 participantes nous en avons retenu 10 et avons invité les niçois à voté pour désigner leur Marianne. C’est alors Cyrielle Giner qui a été sélectionnée ; une étudiante de 19 ans, amoureuse de sa ville. La gagnante a alors pris la pose devant le sculpteur Cyril de la Patellière.Diplômé en 1972 de l’École des arts décoratifs de Nice, il devient sculpteur en 1982. En 1989, son projet de timbre Marianne est parmi les sept projets finalistes soumis au choix du président François Mitterrand qui choisit celui de Louis Briat, la Marianne du Bicentenaire.Depuis cette date, le buste de la Première Marianne de Nice trône en Mairie et dans mon bureau pour symboliser la République française à travers notre identité niçoise.

Avant cette date, trois bustes représentaient en mairie ce symbole de la République : la Marianne  » Brigitte Bardot « , qui date des années 1970, et deux autres, beaucoup plus anciennes, représentant des anonymes.

 Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie parmi les cinq, et pourquoi ?

C’est un choix difficile. Ces 5 Mariannes sont des femmes conquérantes, qui font avancer concrètement la cause des libertés et de la dignité. Je choisirai cependant Gisele Kolinka, car sous la haine des juifs, il y a la haine de toutes nos valeurs, de la raison, de la tolérance, de la liberté. Si nous devons évoquer ce passé effroyable, c’est aussi et surtout pour prévenir d’autres crimes.  En ces temps d’incertitude, de terrorisme et d’inquiétude, par son histoire, ses convictions et sa force de caractère, Gisèle est une conscience de la République. Gisèle était dans le même convoi que Simone Veil.C’est avec Simone Veil que j’ai eu l’honneur de créer les premiers voyages de la Mémoire, en tant que président du Conseil général, en 2003. Cette volonté de faire prendre conscience, sur le site même d’Auschwitz, à des collégiens de ce que la Shoah n’est pas seulement une leçon à apprendre dans le livre d’histoire de 3e, mais une réalité qui doit vivre dans leur esprit, dans leur présent, dans leur futur. Je salue ces femmes, ambassadrices de la mémoire, qui sillonnent la France pour raconter leur vécu aux jeunes générations afin de lutter contre l’antisémitisme et le racisme.  Elles inspirent le respect.

Pourquoi soutenez-nous notre initiative de proposer 5 nouvelles Marianne?

 Une Marianne ce n’est pas seulement un symbole, c’est LE symbole de notre République dans tout ce qu’elle peut représenter. Je salue et je soutiens l’initiative de Marie-Claire, de mettre en avant la femme par ses combats, ses réalisations et ses engagements. Ses femmes qui, au quotidien, dans leur famille, leur travail, leur loisirs, font avancer les choses et font évoluer la société.Vous le savez, c’est un Niçois, René Cassin, qui a rédigé la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948 où il réaffirme l’égalité hommes-femmes et l’urgence qu’il y a à combattre toutes les formes de discrimination. Mais il ne suffit pas de proclamer une chose pour qu’elle le soit.

Quelle Marianne avez-vous dans votre mairie ?

C’est un buste art déco classique, sobre, anonyme, que j’ai trouvé en arrivant sculpté en 1933 par Pierre Poisson. Montauban étant la ville de naissance du grand sculpteur Antoine Bourdelle, (et du célèbre peintre Jean-Dominique Ingres !), je pense que Poisson a été son disciple. Mais ma Marianne à moi, c’est la féministe Olympe de Gouges, née à Montauban, que l’on peut voir sur la tapisserie d’Aubusson qui orne la salle du conseil municipal. Ecrivain, militante contre l’esclavage, précurseure dans bien des domaines, cette courageuse a rédigé la Déclaration des droits de la Femme et de la citoyenne, dont l’article 10, reproduit sur notre tapisserie, qui dit : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit également avoir celui de monter à la tribune, pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi. ». Elle a été décapitée en 1793, au plus fort de cette terreur imposée par Robespierre, qu’elle dénonçait… Je suis très déçue qu’elle ne soit pas encore entrée au Panthéon.

Quelle est la Marianne de Marie-Claire que vous avez choisie ?

Elles sont toutes respectables. J’aurais une préférence pour Martine Monteil. Pourquoi ? Je me suis rendue à un rassemblement de 200 policiers devant le tribunal de Montauban où était jugée la personne qui avait apposé le slogan « flic suicidé, à moitié pardonné » sur sa camionnette. J’y suis allée parce que je crois que la sécurité est la première des libertés. Et je dis bravo à Martine Monteil, première femme à la tête de « la Crim », au Quai des Orfèvres, puis préfet, alors qu’il y a encore si peu de femmes à la tête de la police. Il faut certainement des qualités supérieures , du courage et de l’énergie pour se faire respecter dans ce milieu masculin. J’ai aussi choisi Martine Monteil en pensant à Sandra Ferreira, cette jeune policière née à Montauban, qui s’est suicidée à Paris à 27 ans avec son arme de service le 22 août dernier. Elle avait été adjointe de sécurité au commissariat de Montauban. C’est quand même incroyable comme les policiers ne sont pas plus soutenus. Voilà aussi pourquoi je suis allée à ce rassemblement de policiers devant le tribunal.

Pourquoi soutenez-vous notre initiative ? 

La beauté, la célébrité, pour incarner Marianne, c’est un peu réducteur. Mettre en avant d’autres qualités comme le courage comme vous le faites m’apparaît essentiel. Je n’aime pas les généralisations, mais je constate que les femmes sont souvent plus courageuses que les hommes dans leurs actions, leurs opinions, leur expression. Elles montrent parfois plus de force de caractère. Je suis maire depuis 2001. Je vois la différence entre femmes et hommes. Les hommes sont plus « pétochards » dans leurs prises de positions. Alors bravo de proposer d’autres visages, d’autres beaux parcours de vie, bref de belles personnes, (cela ne veut pas dire que les anciennes ne l’étaient pas) pour incarner Marianne.

Quelle Marianne avez-vous dans votre mairie  ?

Nous avons une Marianne dont nous ne connaissons pas l’origine. C’est une Marianne classique, avec son bonnet phrygien, et son drapé. Une allégorie anonyme de la République, qui ne représente personne en particulier, comme cela a été longtemps le cas. Elle est dans la salle qui accueille le conseil municipal et les mariages. Au-dessus de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et quand nous célébrons un mariage, nous faisons référence à ces deux symboles visibles sur le mur derrière moi. Comme nous avons  beaucoup de mariage d‘abord civils à la mairie, puis religieux en suite, nous expliquons que le mariage civil se fait dans le cadre de la République, concrétisée dans la salle par Marianne. J’ai d’ailleurs l’habitude de dire aux mariés qu’ils se marient sous l’oeil attentif de Marianne.

Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie ?

Evidemment, nous avons choisi Martine Monteil, née à Vincennes, et nous sommes très fiers qu’elle soit vincennoise d’origine. Parce que des Vincennois nés chez nous, ça n’existe plus : nous n’avons plus de maternités à Vincennes. Au delà de l’anecdote, et de sa carrière de « grand flic », je l’ai choisie en tant que symbole de l’Etat et  des fonctions régaliennes qu’elle incarne. Car pour moi l’Etat dans l’une de ses premières missions, c’est la sécurité et le vivre ensemble des citoyens et sans notre police, nous n’aurions ni sécurité ni liberté, et choisir cette Marianne-Martine Monteil, c’est une façon de remercier les policiers pour le travail qu’ils accomplissent pour nous au quotidien, qui est en ce moment très compliqué pour eux.

De plus, Martine Monteil, a occupé des postes dans la police qui n’avait jamais été occupés par une femme avant elle : chef de la Brigade de répression du banditisme, chef de la brigade criminelle… Elle a ouvert la voie.  Et puis des préfètes, dans sa génération, on n’en a pas eu tant que ça. 

Pourquoi soutenez-vous notre initiative ?

Parce que cela me paraît une très bonne idée que de mettre en valeur les compétences et les qualités professionnelles, humanistes, de femmes, pour représenter Marianne plutôt que des qualités esthétiques. Si le symbole de la République était un homme, pas sûr qu’on aurait eu l’idée de le représenter par un genre beau rugbyman ou acteur qui aurait attiré l’œil. Pour un symbole comme Marianne, il est important d’élargir la représentation à d’autres critères que physiques.

Cette initiative est aussi une prise de conscience du rôle du maire, chargé de mettre en avant la figure de Marianne, et son importance dans le lien social local. La République fonctionne aussi par les élus locaux,  notamment la figure inspirante qui est celle des maires. A travers votre démarche, on redécouvre l’utilité sur le terrain des maires, (de moins en moins de Français se portent volontaires pour exercer la fonction).

 Quelle Marianne avez-vous dans votre bureau ? L’avez vous choisie ou trouvée en entrant en fonction ?

 Notre Marianne historique,  buste en plâtre peint de 1870, aux couleurs bleu-blanc-rouge, surmonté, à la fois, du bonnet phrygien et de la couronne de lauriers (plus apaisée),  trône dans la salle du Conseil municipal, juste à côté de la main en fonte de notre héroïne, Françoise de CEZELLY ; femme du gouverneur de la place de Leucate, elle bouta les Espagnols hors du royaume de France, en 1590, refusant de céder les clés de notre ville, au prix de la vie de son mari. Auprès d’elle, notre Marianne, au visage anonyme, représente parfaitement ce qui nous tient, nous Leucatois, à cœur : l’héroïsme féminin.

 Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie parmi les cinq, et pourquoi ?

 Le choix est sacrifice, et chacune de ces 5 femmes déterminées, résistantes, courageuses, combattives, et sublimes  représente, selon moi,  l’un des visages de Marianne. J’ai choisi Martine MONTEIL, pour le symbole. Cette femme remarquable a franchi, comme les autres, les obstacles les plus rudes – dont celui d’être une femme dans un monde phallogocentré – en embrassant un rôle éminemment républicain – « grand flic », défendant corps et âme la liberté, l’égalité et la fraternité. Elle pourrait, quelque part, faire siennes les paroles de Françoise de CEZELLY : « C’est le temps désespéré que pour bien faire, il faut perdre la vie. »

 Pourquoi soutenez-vous notre initiative de proposer 5 nouvelles Marianne?

Les idéaux sont fixes, mais la République vit : elle est mouvement. Ceux qui la représentent – élus, fonctionnaires, militaires – doivent ressembler à ce qu’elle ne cesse de devenir : une République toujours plus libre, fraternelle, équitable. Chaque jour la vigilance s’impose ; me viennent à l’esprit, par exemple, les regrettables « biais de genre ». Aujourd’hui, la beauté féminine a pris du corps, s’est enrichie : elle n’est plus seulement esthétique. Il est temps de reconnaître que le « féminin » est un principe plus qu’éthéré : chacun de nous le porte, il doit être assumé,  logé au cœur de la cité, et agir, de concert – non en guerre – avec le principe masculin ; être, autant que lui, considéré.

Quelle est la Marianne de Marie Claire que vous avez choisie parmi les cinq, et pourquoi ? 

Ginette Kolinka. Parce que c’est une passeuse de mémoire et cela a du sens dans la société dans laquelle on vit. Nous avons un devoir de transmission vis à vis de nos enfants. Etant papa, j’y suis sensible. Ginette Kolinka incarne ce devoir de mémoire à un moment où il y a des relents racistes et antisémites, et des partis extrémistes qui arrivent au pouvoir y compris dans des pays européens alors que l’on pensait que cela ne serait plus possible. 75 ans après la fin de la guerre, il est important d’honorer cette dame. Aussi parce plus le temps avance, moins on a de survivants des camps et si on perd cette mémoire, on s’expose à des contestations historiques, des gens diront « est-on sûr que cela a bien existé ? ». Son travail de transmission au sein des écoles auprès des nouvelles générations est donc essentiel. Un pays qui ne sait pas d’où il vient ne sait pas où il va. Ce serait bien que dans nos mairies, il y ait le visage de cette femme.

Pourquoi soutenez-nous notre initiative de proposer 5 nouvelles Marianne ? 

Votre initiative est bonne parce qu’elle n’honore pas que la beauté et le talent artistique. Vous êtes plus attachés aux valeurs de la République, des valeurs qui résistent au temps qui passe. Et nous avons besoin de symboles dans notre société parfois en perte de repères. C’est une belle démarche de diversifier les images de Marianne, les femmes qui font bouger notre pays ne sont pas qu’à la télé.

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