• Un concert d’Orelsan datant de décembre 2022 sera diffusé ce jeudi soir dans 400 salles de cinéma françaises.
  • Taylor Swift, SCH ou encore Michel Polnareff ont aussi annoncé des dispositifs similaires pour leurs fans.
  • Diversification de revenus, fidélisation de sa communauté, coup de projecteur… Ces concerts diffusés dans les salles obscures relèvent-ils de la performance artistique ou d’une nouvelle stratégie marketing ?

La Haine, Orange Mécanique, Pulp Fiction… Il y a dix ans, Orelsan s’incrustait, le temps d’un clip, dans les films les plus emblématiques de ces dernières années. Deux ans plus tard, le rappeur caennais jouait les premiers rôles – sans montage cette fois – dans Comment c’est loin, un film inspiré de sa vie. Il faut croire que l’ambiance des salles obscures lui avait manqué : l’artiste de 41 ans s’apprête à effectuer son retour sur grand écran. Cette fois, le rôle n’est pas de composition. L’un des concerts de sa tournée datant de décembre 2022 sera diffusé ce jeudi soir dans 400 salles de cinéma en France, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg.

Un modèle pour remplacer les DVD Live

Comme Taylor Swift dans quelques jours, SCH et Michel Polnareff en novembre, le Normand s’essaie à la rediffusion au cinéma, sous la forme d’une séance unique, d’un concert. Plusieurs raisons peuvent justifier ce choix. « Les captations en direct de concert dans le rap français, ça existe depuis longtemps. Sinik, Diam’s, Soprano faisaient des formats DVD de leur concert. Aujourd’hui, ce format-là est mort, il s’est reporté sur les chaînes de télévision, sur les plateformes, et donc au cinéma », éclaire Paco Garcia, chercheur spécialiste de l’industrie du rap. Il rappelle d’ailleurs qu’Orelsan avait mis en ligne des concerts de la tournée des Casseurs Flowters sur Youtube.

Les Pink Floyd, Purple Rain de Prince ou encore les précurseurs Talking Heads avec le film Stop Making Noise, qui ressort dans une nouvelle version 40 ans après… Des expériences de live au cinéma, Sophian Fanen en cite à foison. Pour le journaliste spécialisé, cofondateur du site Les Jours, l’une des raisons de ce passage sur grand écran se joue au niveau du porte-monnaie. « Avant, la cassette VHS ou le DVD live était une sorte de niche pour les fans et une manière de générer des revenus, ça n’existe plus. Aujourd’hui, pour un artiste aussi gros qu’Orelsan, c’est potentiellement plus intéressant de diffuser au cinéma que d’espérer des revenus depuis YouTube ».

« Une autre manière de se raconter » et de consolider sa fan base

Dans le cas d’Orelsan, sa discrétion médiatique et sa manière « d’évenementialiser » cette diffusion au cinéma a fait mouche. « Il arrive à trouver des formes originales de valorisation de sa musique, et son public a une forte propension à consommer des produits dérives, précise Paco Garcia. On se souvient de ses 15 éditions différentes de Civilisation. » Pour le chercheur, peu de doute, ce soir, les salles obscures seront principalement composées de « supers fans ».

Pour Sophian Fanen, la démarche artistique ne doit cependant pas être gommée. « C’est aussi une autre manière de se raconter, de consolider son public et de l’élargir. Il y a un tout un public qui ne va pas en concert ou dans les festivals. Certains n’aiment pas la foule, d’autres n’aiment pas être debout. Ça peut élargir aussi le public : c’est plus facile d’emmener ses parents voir un live d’Aya Nakamura au cinéma qu’en festival ou en concert ». Ainsi, en diffusant leurs spectacles dans les salles obscures, les poids lourds de l’industrie musicale peuvent attirer de nouveaux fans.

« Il y a un travail main dans la main avec l’artiste »

D’autant que la réalisation de ces concerts est léchée. « On met plus de moyens, il y a un travail main dans la main avec l’artiste. On cherche à obtenir un cachet spécial pour le cinéma, expose Emmanuel Georges, producteur chez Supermouche, à la manœuvre lors d’une captation de Calogero en 2016. Le concert, le public ne pourra jamais le vivre comme dans une salle, mais ça doit être le plus immersif possible, avec une grosse attention portée au son. Pour Calogero, on avait pris énormément de plans du public, pour que ça impressionne les fans au cinéma. »

Promo, revenus, narration… Et si les artistes avaient débloqué le nouveau jackpot de l’industrie musicale ? Sophian Fanen douche nos espoirs. Oui, le modèle est séduisant, mais il ne peut s’appliquer à tous les profils. « La stratégie peut se transposer sur de petits artistes, à condition qu’il y ait une proposition hors cadre. Sinon, ça demande des moyens, c’est complexe, il faut avoir la puissance de distribution et pouvoir attirer le public ». Orelsan, Taylor Swift, Polnareff peuvent pousser sans soucie les portes du multiplex. Les plus petits, pour l’instant, devront se contenter des pop-corn.

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