Tout ce qu’il faut savoir sur le phénomène de la clean beauty en 2019

Durables, végans, naturels, bios… Les produits de beauté "verts" ont le vent en poupe. Vogue décrypte le mouvement de la clean beauty et vous présente les derniers ingrédients innovants et les marques à privilégier pour prendre soin de votre peau et de la planète.

Le mouvement clean beauty, ou "beauté propre", autrefois tendance niche portée notamment par Goop, est devenu viral. Un nouveau rapport publié en février 2019 par l’organisation britannique Soil Association a révélé que le marché britannique des produits bios de soins et de bien-être avait atteint un niveau record, notamment grâce aux Millennials et à la génération Z. "Il ne fait aucun doute que le vent a tourné en faveur des produits durables", déclare Martin Sawyer, CEO de la Soil Association Certification. En Europe, le nombre de produits de beauté certifiés COSMOS par l’organisme a doublé l’année dernière, pour atteindre plus de 10 000 parmi 794 marques différentes. Le secteur enchaîne ainsi sa huitième année consécutive de croissance.

Alors que Clarins lance une ligne végane (sans parabènes, sans sulfates, et sans phtalates, avec un packaging conçu à partir de matériaux recyclés issus de forêts éco-responsables), et que Wella Professionals propose désormais des colorations naturelles à base de plantes, force est de constater que le mouvement de la beauté verte a sérieusement le vent en poupe.

Qu’est-ce que la clean beauty ?
Le terme n’a pas encore de définition exacte et reste ouvert à l’interprétation. "Les qualificatifs tels que "naturel", "propre", "vert", et "hypoallergénique" ne sont pas encore clairement définis par une norme, et peuvent être trompeurs", indique Annee de Mamiel, fondatrice des soins skincare Mamiel et pionnière de la beauté de source végétale. "Les termes comme "sans produits chimiques" n’ont aucun sens, puisque tous les ingrédients sont des produits chimiques, qu’ils soient d’origine naturelle ou synthétique."
Rose-Marie Swift, créatrice de la ligne de make-up bio RMS Beauty, est du même avis. "Au départ, les termes "naturel" et "biologique" servaient à décrire des produits dont les composants provenaient de source naturelle. Dès que les marketeurs ont compris l’engouement des consommateurs pour les produits non-synthétiques, ces termes ont commencé à apparaître sur toutes sortes de produits, légitimement ou non."

"En 2019, il ne sera plus suffisant pour les marques cosmétiques d’être qualifiées de "naturelles" ", ajoute Victoria Buchanan, analyste prévisions chez The Future Laboratory. "Alors que les consommateurs continuent de prêter de plus en plus attention à la composition des produits qu’ils mettent sur leur peau, les produits sans irritants vont devenir la nouvelle norme de la beauté naturelle."

© Hans Feurer

D’où vient ce mouvement clean beauty ?
Les consommateurs font de toute évidence des choix réfléchis. D’après le rapport 2018 de l’organisation à but non lucratif Global Wellness Economy Monitor, l’industrie mondiale du bien-être est passée d’une valeur de 3,7 billions en 2015 à 4,2 billions de dollars en 2017, soit une hausse de 12,8%."L’économie du bien-être a progressé presque deux fois plus vite que la croissance économique mondiale (3,6%)", confirme le rapport. En 2017, les soins et la beauté ont pesé pas moins de 1,082 billions de dollars.

Victoria Buchanan explique que ce changement a été porté par deux choses : "Une obsession pour le bien-être et la détoxification, tant sur le plan du régime que des produits de soin, a créé une demande pour des ingrédients épurés et "propres". Les consommateurs sont de plus en plus conscients des irritations que peuvent causer certains ingrédients de synthèse contenus dans les parfums et les conservateurs, et lisent de plus en plus attentivement les étiquettes – une habitude tirée des rayons de supermarchés."

Le deuxième facteur est la recrudescence des peaux sensibles. "Les dermatologues constatent un nombre croissant de peaux sensibilisées par la pollution, le stress, et les agressions des appareils numériques", continue Victoria Buchanan. D’après The Environmental Working Group américain, les femmes seraient aujourd’hui exposées en moyenne à 126 substances chimiques par jour, à travers les cosmétiques, les aliments, les produits d’entretien, et la pollution. "La sensibilité de la peau est le nouveau sujet clé des consommateurs, devant les soins anti-âges, ce qui les pousse à se tourner vers des ingrédients naturels et équitables", poursuit la spécialiste. Elle confirme que 21% des consommateurs recherchent désormais des produits skincare contenant le moins d’ingrédients possibles, comme l’avance le rapport du groupe d’études Mintel.

Quels ingrédients peuvent être qualifiés de "toxiques" ?
La toxicité estimée d’un ingrédient sera différente en fonction de l’endroit où vous vivez. La réglementation de l’UE interdit plus de 1300 substances dans les cosmétiques, tandis qu’aux Etats-Unis, ce secteur est l’un des moins réglementés du pays, avec seulement une trentaine d’ingrédients interdits. La loi américaine "Federal Food, Drug and Cosmetic Act" est le seul dispositif de contrôle gouvernemental des ingrédients dans les cosmétiques – et elle n’a pas beaucoup évolué depuis son adoption en 1938. Par conséquent, l’industrie de la clean beauty a défini ses propres règles.

La majorité des adeptes de la clean beauty sont préoccupés par la présence d’ingrédients agressifs et de produits chimiques de synthèse. D’après une étude réalisée en 2016 par la marque américaine de cosmétiques Kari Gran, intitulée le Green Beauty Barometer, 55% des femmes et 62% des Millennials aux Etats-Unis lisent les étiquettes des produits de beauté pour éviter certains composants spécifiques.

Ils évitent les colorants artificielles qui rendent la peau plus sensible ; les huiles minérales (petroleum, petrolatum, paraffinum liquidum) qui peuvent obstruer les pores, et qui sont des dérivés bon marché de l’industrie du pétrole brut ; les silicones (comme le dimethicone) qui asphyxient également la peau ; le laurylsulfate de sodium (LSS) qui déshydrate la peau ; les phtalates (DBP, DEHP, DEP, BPA) – des émulsifiants présents dans les parfums de synthèse, les sprays pour les cheveux et le vernis à ongles – qui peuvent être absorbés par la peau ; et les parabènes (méthylparabène, éthylparabène, butylparabène, propylparabène), des conservateurs controversés qui ont été liés au cancer du sein et à des problèmes de reproduction.

La célèbre marque américaine de skincare Drunk Elephant élimine six "produits suspicieux" : les huiles essentielles, les alcools asséchants, les silicones, les écrans chimiques, les parfums et colorants, et le LSS. Mais d’autres marques, comme Balance Me, dont les produits sont sans parabènes, huiles minérales, PEGs, petroleum, silicones, propylène glycol, microbilles, parfums et colorants artificiels – choisissent d’utiliser des huiles essentielles. "Beaucoup d’entre elles ont été testées depuis des siècles, comme le benjoin, l’achillée millefeuille, et le nard – nous pouvons donc nous fier à leur efficacité", déclare Clare Hopkins, co-fondatrice de Balance Me.

D’après Rose-Marie Swift, "l’important est de vous informer pour identifier les substances que vous voulez éviter et de faire ensuite des choix réfléchis." Les produits Balance Me indiquent le pourcentage d’ingrédients naturels sur la face de l’emballage, et ceux qui sont inférieurs à 100% possèdent tout de même une composition nature-identique certifiée Ecocert. "En termes de concentration, il n’est pas toujours nécessaire que chaque actif soit fortement concentré, mais plutôt qu’il soit au niveau cliniquement testé", ajoute Clare Hopkins. "Certains principes actifs peuvent même être nocifs si les niveaux sont trop élevés – ou bien ils représentent un coût supplémentaire inutile." Sur les étiquettes, toutes les substances dépassant 1% de la composition doivent être mentionnées – en commençant par l’ingrédient au pourcentage le plus élevé, puis en listant les autres par ordre décroissant. "En-dessous de 1%, les ingrédients peuvent être listés dans n’importe quel ordre, et les marques peuvent modifier l’ordre pour que leurs formules ne soient pas copiées", explique l’experte. Fiez-vous aux certifications suivantes : Soil Association, Cosmos, Ecocert, USDA, NaTrue, EWG, et Demeter.

© Hans Feurer

Quelle est la différence entre les produits naturels et les produits bios ?
"Les produits naturels contiennent des ingrédients issus des plantes et de la nature, et sont transformés le moins possible », répond Rose-Marie Swift. « Les produits bios vont plus loin : ils sont composés d’ingrédients sans OGM qui ont été plantés, cultivés, récoltés, traités, et conservés sans herbicides, pesticides, fongicides chimiques et sans antibiotiques, pour garantir des produits avec moins de contaminants. Toutes ces mesures engendrent des coûts de culture et de traitement plus importants, ce qui explique pourquoi les produits bios ont tendance à coûter plus cher."

Rose-Marie Swift conseille d’éviter les produits dont l’étiquette mentionne des substances "dérivées". "Cela signifie que l’ingrédient naturel a subi une transformation et n’est par conséquent plus naturel. Nous utilisons des substances provenant directement de la nature et gardons toute l’énergie de leur force vitale. Nous n’utilisons aucun produit fractionné ou altéré." L’absence de produits fortement transformés permet de conserver les propriétés thérapeutiques naturelles des plantes – les enzymes, les vitamines, les minéraux et les antioxydants. Rose-Marie Swift évite aussi l’eau. "L’eau peut en réalité entraîner toutes sortes de problèmes dans les produits de beauté, mais elle continue d’être utilisée car c’est un ingrédient gratuit. Elle perturbe la stabilité du produit et a tendance à développer facilement des bactéries. Il faut donc ajouter des conservateurs et des émulsifiants pour mélanger l’eau et l’huile, qui comme nous le savons tous ne se mélangent pas naturellement."

Comment rendre votre routine beauté végane ?
Un produit réellement végan ne contient aucun ingrédient issu des animaux – y compris le miel, le collagène, l’albumen, le carmin, le cholestérol, et la gélatine. D’après la base de données de nouveaux produits dans le monde de Mintel, l’introduction de produits végans a augmenté de 175% entre juillet 2013 et juin 2018. Andrew MacDougall, analyste des tendances beauté à l’échelle mondiale chez Mintel, pense que les consommateurs "voudront aligner leur routine beauté avec leur style de vie". Parmi les derniers lancements de produits de ce genre, la nouvelle marque culte américaine Mile Makeup est sans parabènes, cruelty-free, et 100% végane ; tandis que la marque suédoise de produits capillaires Maria Nila est aussi 100% végane, cruelty-free, et approuvée par PETA, The Vegan Society, et The Leaping Bunny.

Hedda Mirrow, responsable de l’export marketing chez Maria Nila explique qu’il est "courant de trouver dans beaucoup de produits de la kératine [une protéine dérivée de la peau et des os des animaux] pour renforcer et réparer les cheveux, de la lanoline [de la graisse de laine], et de la protéine de soie [qui provient du Bombyx de mûrier, dont la chenille est le ver à soie] pour adoucir les cheveux, mais aussi de la cire d’abeille pour hydrater et donner de la tenue." Mais chez Maria Nila, on fait les choses différemment. "Nous les remplaçons par des protéines, des beurres, et des huiles d’origine végétale – comme de la protéine de blé ou des algues pour leurs propriétés réparatrices, du beurre de karité pour la tenue, de l’huile de Moringa pour nourrir, et de l’huile d’argan pour adoucir."

Aveda est également en train de retirer la cire d’abeille de ses produits et s’est engagé à rendre toutes ses formules véganes et sans parabènes d’ici 2020. "Aujourd’hui, le consommateur privilégie des ingrédients naturels, accorde une grande importance à l’éco-responsabilité, et tient à ce que les marques participent à la conservation et à la protection de l’environnement", précise Amanda Le Roux, vice-présidente d’Aveda International. "L’avenir de nos produits est très prometteur, avec une fondation solide en botanique pour créer des soins haute performance qui ne nuisent pas à la planète."

Quelles sont les dernières alternatives à base de plantes ?
Lan Belinky, co-fondatrice du label Boscia – qui a lancé la tendance du charbon actif – rencontre actuellement un franc succès. "Nous travaillons avec des ingrédients innovants, dont un mélange marin réalisé avec des composants de sources durables comme l’algue rouge, inspirée de la cryothérapie. Le résultat de ce mélange : une expérience d’un froid glacial qui retend, resserre, raffermit la peau et stimule la circulation sanguine."

Autre changement : les retin-ALT (alternatives au rétinol) viennent remplacer les rétinols – idéal pour les peaux sensibles et sans risque pendant la grossesse. Le bakuchiol, une molécule issue des graines d'une plante appelée Psoralea corylifolia, fait son apparition dans de nouveaux produits des marques Ole Henriksen et Omorovicza. De la famille de la vitamine A, le bakuchiol stimule la production de collagène et d’élastine. "Le bakuchiol est une incroyable alternative au rétinol, qui agit de manière similaire, sans aucun des effets secondaires négatifs [le rétinol peut irriter la peau et créer des tâches de pigmentation]", indique Ole Henriksen. "C’est un ingrédient naturel révolutionnaire contre le vieillissement de la peau, qui aide à réduire les ridules, les rides, les pores, et les points noirs, tout en donnant de l’éclat."

Quel est l’impact environnemental des produits que vous choisissez ?
En 2018, la campagne annuelle britannique Zero Waste Week (semaine sans déchets) a indiqué que 120 milliards d’unités d’emballage étaient produites chaque année par l’industrie mondiale des cosmétiques, dont la grande majorité n’est pas recyclable. Même Tata Harper – la reine du green cosmetic et fondatrice de la marque éponyme 100% sans produits synthétiques et certifiée bio – reconnaît que l’éco-emballage peut être un défi de taille. "La plus grosse difficulté pour l’industrie dans son ensemble et pour notre marque reste le packaging. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que nos emballages soient propres et durables. C’est très difficile de trouver des options satisfaisantes en termes d’esthétique et de durabilité – celles qui sont durables n’ont pas un look luxueux, et celles qui sont esthétiquement luxueuses sont en plastique et acrylique non recyclables qui finissent à la décharge."

Mais la marque poursuit ses efforts de durabilité : "La plupart de nos emballages sont en verre – une matière recyclable et réutilisable. Le peu de plastique que nous utilisons est nécessaire à la fonctionnalité du packaging, et est aussi eco-friendly que possible. La résine plastique de nos tubes est issue du maïs, ce qui signifie qu’elle provient d’une source renouvelable et non de pétrole, et nous utilisons une encre de soja pour les impressions", poursuit Tata Harper.

L’impact environnemental de certains ingrédients spécifiques est aussi à prendre en compte. "L’émulsifiant que j’utilise est l’Isoamyl cocoate, qui est issu de la betterave sucrière et de l’huile de coco", explique Annee de Mamiel. "La consommation d’énergie et les émissions de CO2 liées à sa production sont 60% plus faibles que celles des siloxanes (des silicones), et il apporte une texture légère et non grasse."

Comment passer à la loupe la composition de vos produits ?
En téléchargeant les applications suivantes pour scanner les codes-barres des produits et découvrir leurs ingrédients : Skin Deep de l’Environmental Working Group ; Skin Ninja ; Clean Beauty d’Officinea ; et Think Dirty.

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